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"J'ai honte de ne pas avoir retenu mes coups" : on a assisté à un stage pour conjoints violents

Pendant trois jours, des hommes condamnés pour violences conjugales abordent les notions d'égalité homme-femme, les cycles de la violence et leurs conséquences sur les victimes ainsi que sur les enfants. Une étape sur le chemin souvent long de la prise de conscience, espèrent les services de probation et d'insertion.

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"De toute façon, c’est toujours celui qui dépose plainte en premier qui a raison", grommelle un probationnaire dans le fond de la salle. "Des fois, il y a une bagarre entre l’homme et la femme, et l’homme ne porte pas plainte, même s’il a eu des lésions", lance un autre homme, approuvé d’un hochement de tête par ses voisins. Les esprits s’échauffent. "De toute façon, au commissariat, ils refusent de prendre notre plainte", s’indigne un autre. "Pour moi, on devrait être deux ici !"

L'intervenante en vient aux questions de cyber-violence et de cyber-contrôle. "C’est par exemple le fait de demander à votre compagne de lire ses SMS, de consulter son historique internet", explique Élisabeth, juriste au sein du Centre d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) de l’Essonne. "Même si c’est vous qui lui avez offert le téléphone, vous n’avez pas à lire ses messages !" "Ouais, enfin en général, c’est plutôt la femme qui prend le téléphone la nuit pour lire les SMS", réplique, goguenard, un jeune homme en survêtement noir, provoquant les rires de l’assistance.

"Des fois votre femme ne répond pas parce qu’elle est au volant, où qu’elle n’a pas entendu son téléphone... ", poursuit la juriste. "Ou parce qu’elle est avec un mec plus beau !", rigole le même probationnaire.

Subrepticement, la conversation glisse sur le terrain de la jalousie. "Parfois on est jaloux parce qu’on n’a pas confiance en soi", lance quelqu'un. "L’important c’est d’en parler au sein du couple", renchérit un autre. "Mais est-ce qu’en parler, ça n’est pas aussi prendre le risque que ça dégénère ?" s'interroge un sexagénaire moustachu au crâne dégarni.

"Ça n’est pas une faiblesse de dire qu’on est jaloux", insiste l’une des deux intervenantes. "Et puis si quelqu’un veut vous tromper, il vous trompera". La réponse fuse, du tac au tac. "Ouais, et les femmes sont très fortes pour ça".

Beaucoup minimisent les faits

Avant cet atelier, qui intervient au dernier jour du stage, les probationnaires ont également travaillé les représentations et l'égalité homme-femme, sur les cycles de la violence conjugale, ses conséquences sur les victimes, mais aussi sur les enfants, notamment in utero (avortement spontané, accouchement prématuré, petit poids de naissance, petit périmètre crânien).

"Notre objectif, c’est de faire réfléchir aux mécanismes qui ont conduit au passage à l’acte, expliquer la différence entre le conflit et la violence conjugale", résume Sabine Vadez, directrice du CIDFF dans l’Essonne. En arrivant ici, observe-t-elle, beaucoup d’hommes minimisent les faits pour lesquels ils ont été condamnés. Ils se dédouanent en invoquant l’alcool, ou leur compagne qui les aurait provoqués.

"Ils n'en sont pas tous au même niveau de réflexion", ajoute Stéphanie Pellegrini, directrice d'antenne à Courcouronnes au SPIP de l'Essonne. "L'idée du groupe c'est de mélanger les profils, pour qu'ils se sentent moins seuls et soient confrontés à d'autres réalités, d'autres formes de violences". Et même si, en trois jours, certains ne disent pas un mot, "ça n’est pas parce qu’ils ne parlent pas qu’ils n’ont pas écouté", selon Sabine Vadez. C’est parfois sur eux que le stage a le plus d’impact.

"Ça réveille de bonnes choses en nous"

Cheveux bouclés châtains, petit bouc, épais blouson kaki, Guillaume* estime en tous cas que ces trois jours de stage "lui ont fait du bien au moral". "C’est pas punitif, ça réveille de bonnes choses en nous". Le jeune homme a été condamné en juin 2018, après une "bagarre qui est allée très loin" avec sa compagne, souffle-t-il, refusant d’en dire davantage.

Des coups intervenus, selon lui, au terme d’une longue période de violences psychologiques réciproques. "Dans la relation, c'est moi le dominé", estime-t-il. "Mais ce que j’ai retenu de ce stage, c’est qu’en cas de dispute, il faut prendre du recul, s’en aller, et puis en parler plus tard, une fois que c’est retombé".

"En arrivant ici, j’avoue, j’étais sceptique", lâche à son tour un probationnaire, qui se présente comme chef d’entreprise. "Ce que j’ai trouvé le plus intéressant, c’est le passage sur les enfants, quand on nous explique les conséquences des violences conjugales sur leur développement. On nous a aussi donné le nombre de meurtres de femmes chaque année, ça fait froid dans le dos !"

Son voisin est plus sceptique. "Je ne suis pas quelqu'un de violent", tient-il à préciser. Avant d'expliquer :

Comment faire pour à l'avenir éviter qu'une dispute éclate en violence ? Il aurait aimé avoir davantage de conseils pratiques. "On a eu droit à une analyse, mais pas à des directives", regrette-t-il.

Fin du stage, le groupe se sépare. "Bon courage pour la suite !", lance quelqu'un à la cantonade. "Le suivi n’est pas fini pour autant", précise Valérie Roca, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation. Chacun de ces hommes continuera à rencontrer chaque mois un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation. Certains pourront aussi être intégrés à un programme de prévention de la récidive sur six mois, avec un travail approfondi sur les raisons de leur passage à l’acte. "On sème des graines, qui peuvent mettre du temps à germer, glisse Valérie Roca. "Mais on n'est pas des magiciennes..."

*Le prénom a été modifié

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