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Newsletter LeFaso.net Processus de transition après le coup d’Etat : « On ne peut pas nous faire le procès d’un quelconque opportunisme » (Evariste Faustin Komsimbo)

Lefaso.net : Le coup d’Etat du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPRS) a été globalement salué par les populations du pays. Qu’en pensez-vous ?

Evariste Komsimbo : Cela suscite des questionnements car en général, un coup d’Etat ne devrait pas être salué. Nous constatons d’emblée dans ce cas ci, que personne n’est sorti dans la rue pour contester la chute du pouvoir MPP (Ndlr, Mouvement du peuple pour le progrès). Un coup d’Etat est une exception. La règle c’est le processus démocratique. Mais il faut le dire, dans le cas présent, un certain nombre de conditions ont été réunies par les acteurs politiques en charge des affaires pour qu’on en arrive là. Ils se sont mis en marge des aspirations du peuple. Je ne cherche pas à justifier le coup de force mais il est quelque part explicable. Les éléments du MPSR, voyant le navire couler, ont pris la décision, au péril de leur vie, de prendre leurs responsabilités. C’est pour sauver la collectivité. C’est comme cela que je vois les choses.

D’après vous, la prise du pouvoir par le MPSR est-elle une conséquence logique de la gouvernance décriée de Roch Kaboré ?

Le coup de force perpétré par le MPSR est bien-sûr la conséquence de la mauvaise gestion du pays par le régime et le système MPP. Ce n’est pas seulement la personne de Roch Kaboré qui doit être mis en cause. Il n’a pas géré le pouvoir tout seul. Il est vrai qu’il était le président, il endosse donc la responsabilité mais c’est la conséquence de la mauvaise gestion du régime MPP tout entier.

Quels devraient être selon le GCAOT, les premiers chantiers du MPSR ?

Les chantiers ne sont pas aussi compliqués à déterminer car il n’y en a pas mille. Le premier, c’est la sécurité, c’est-à-dire reconquérir les portions de territoire que nous avons perdues du fait du terrorisme. Ensuite, il faudrait songer au retour des personnes déplacées internes dans leurs localités. L’autre volet concernera la gouvernance. Quand je parle de gouvernance, je parle de la redéfinition des règles d’une gouvernance vertueuse. Une gouvernance qui tient compte de l’intérêt des populations. Parce que l’administration est là pour servir et non pour se servir. Le dernier point, et non des moindres, qui est lié à l’évolution politique de notre pays est la réconciliation. Si je dois me résumer, il s’agit de la sécurité, de la réconciliation et de la gouvernance.

Certains analystes estiment que le MPSR devrait baser son commandement à Inata. Êtes-vous de cet avis ?

Quand on fait une analyse, cela voudrait dire qu’on a fait un diagnostic. Pour ma part, il faut plutôt une réorganisation de nos FDS (Ndlr, Forces de défense et de sécurité). Le MPSR devrait tenir compte des zones de danger. En son temps, j’avais proposé de créer un poste de commandement dans chaque chef-lieu des treize régions, y acheminer des moyens logistiques conséquents, des appareils informatiques et militaires. Du matériel qui peut détecter les mouvements de l’ennemi 10 à 50 kilomètres, des moyens aériens et beaucoup d’hommes. Si nos hommes se font massacrer au front, c’est aussi dû au format actuel de notre armée. Parce que quand vous envoyez une cinquantaine d’hommes face à 150 à 200 personnes lourdement armées, il n’y a pas match. Maintenant que ce sont les militaires qui sont aux affaires, on est convaincu qu’ils pourront avoir une lecture plus claire de la stratégie de guerre. De mon point de vue, leur présence et leur implication peut apporter quelque chose.

Il y a aussi des partis politiques qui craignent que le coup d’Etat soit une tentative de restauration de régime déchu de Blaise Compaoré. Vous y pensez aussi ?

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Vous savez, personnellement depuis 2014, au lendemain de l’insurrection et après les élections de 2015, quand j’ai vu les résultats du CDP (Ndlr, Congrès pour la démocratie et le progrès, parti du président déchu, Blaise Compaoré) aux législatives, j’ai compris qu’un seul parti ne peut pas gouverner ce pays. Il faut associer tout le monde. Je n’entre pas dans les querelles individuelles. Ce qui est important pour moi, c’est le Burkina Faso. Cela m’a d’ailleurs valu des difficultés avec certaines personnalités dont le président Roch Kaboré lui-même. Nous avons prôné la réconciliation, l’apaisement. Malheureusement, le pouvoir n’était pas dans cette dynamique. Il y était sans le vouloir en quelque sorte. Je ne suis pas un génie, mais je suis tout de même allé à l’école et je connais un temps soit peu la société burkinabé.

En effet, il y avait beaucoup plus de la mauvaise foi. Or, pour avoir une réconciliation véritable, il faut la sincérité. Je vous fais d’ailleurs cette confidence : l’ancien président Blaise Compaoré, à l’heure actuelle, je peux vous l’affirmer son dernier souci, c’est de redevenir président du Faso. Tout ce qu’il souhaite, c’est de rentrer dignement dans son pays et y couler ses vieux jours. Je peux vous le dire aussi, cela le président Roch Kaboré devrait le savoir. Parce que le pouvoir quand vous l’avez perdu, c’est fini. Ceux qui font cette analyse, c’est pour monter les Burkinabè les uns contre les autres. Ils font du tort à la réconciliation nationale et à la paix tant recherchée pour le bien de notre pays qui traverse une crise profonde.

Le procès Thomas Sankara et de ces compagnons est suspendu. Est-ce qu’il n’y a pas à craindre une suspension définitive et une probable libération de Gilbert Diendéré ?

(Rires). Je suis Burkinabè, mais il y a des moments ou j’ai du mal à comprendre mes compatriotes. Si je me suis longtemps réservé, c’est parce que je ne comprenais pas certaines situations. Sachez qu’on peut être utile à son pays sans chercher à être ministre ou président. J’ai l’impression que je suis un cas isolé. Tout le monde veut être ministre ou président dans ce pays. Concernant le général Gilbert Diendéré, je vous dis que j’ai reçu des coups de matraque en 1988 lors des manifestations. C’est lui qui était le donneur d’ordre en compagnie des Gaspard Somé et autres pour réprimer.

J’ai même eu des problèmes neurologiques à l’issue de cela. Mais je vous dis aussi que malgré cela, je suis allé rencontrer le général Diendéré à la MACA (Ndlr, Maison d’arrêt et de correction des armées) de même que Djibril Bassolé. J’avoue avoir appris beaucoup de choses d’eux. Je peux vous assurer aussi que même si on ouvrait grandement les portes de la MACA, et on dit au général de sortir, il ne sortira pas. Parce que c’est un homme qui c’était résigné et il a accepté son sort en acceptant le jugement et les condamnations qui découleront du procès Sankara. Je ne pense pas du tout que le procès sera annulé. Au contraire, les nouvelles autorités du moment ont intérêt qu’il se poursuive jusqu’au bout. Il en est de même pour les autres procès. Parce que c’est pédagogique.

Quelles sont vos propositions pour une transition réussie ?

Pour une transition réussie, il faut que toutes les composantes des forces vives de la nation se retrouvent avec le MPSR pour trouver un consensus. Car il faut une démarche inclusive et consensuelle. L’armée toute seule ne peut y arriver. Une fois cette approche consensuelle et inclusive acquise, nous sommes déjà à 50% de réussite. Nous avons proposé une transition qui sera organisée autour du président du MPSR. Il s’occupera prioritairement des questions sécuritaires et militaires. Il devra ensuite être épaulé soit par un vice-président civil qui s’emploiera sur les questions de gouvernance soit par un Premier ministre au pouvoir renforcé qui pourra faire l’équilibre avec la présidence militaire. Au niveau de l’organe de législation, on a prévu deux chambres pour jouer le rôle de l’Assemblée nationale. Le premier niveau pour un parlement et le deuxième niveau sera une constituante qui aura les prérogatives d’adopter une nouvelle Constitution pour passer à la cinquième République.

Comment se feront les choix de ces personnes, est-ce qu’on ne retombera pas dans le piège de la transition passée ?

Par des mécanismes que les forces vives auront à déterminer et à mettre en place. Je pense que les gens vont capitaliser l’expérience vécue sous la transition passée. La mauvaise expérience du CNT (Ndlr, Conseil national de la transition) sera à l’esprit. A ce niveau, on ne peut rien préétablir. En plus de cela, le contexte du CNT n’est pas le même d’aujourd’hui. Le pays en péril, des parties du territoire occupées. Là, on a comme une épée sur nos têtes et l’urgence c’est de sauver le pays.

Êtes-vous sûr que ce n’est pas une porte ouverte aux opportunistes ?

On parle d’opportunistes s’il y a de l’argent en jeu. Il est clair que dans cette assemblée les gens ne viendront pas pour toucher des millions. Pourquoi ne pas instaurer l’esprit du bénévolat ? C’est ce qui a manqué au CNT. On pourrait par exemple, limiter les rétributions à des indemnités simples. Ce sont des erreurs du passé que les forces vives vont prendre certainement en compte pour une transition réussie.

Parlant d’opportunistes, que répondez-vous à ceux qui disent que votre regroupement est une action opportuniste ?

Sur cette question, nous sommes suffisamment connus pour avoir posé des actes bien antérieurs à cette transition qui va s’ouvrir. En 2019, nous avons lancé l’Appel de Manéga (Ndlr, initiative citoyenne en faveur de la réconciliation nationale) au moment ou l’insécurité à commencé à prendre des disproportions démesurées, la cohésion et la paix sociale menacées. On a mis en place des mécanismes, notamment un panel des anciens et des groupes de réflexion. En fin 2019, on était à Kombissiri pour réfléchir. C’est de là-bas qu’on a sortie la feuille de route de l’Appel de Manéga.

Quand l’épidémie du covid-19 est apparue, nous avions créé dès les tous premiers jours le Cercle d’appui à la gouvernance du covid-19 et nous travaillions de 20h à 22h chaque jour pour produire les premières réflexions qui ont beaucoup aidé les autorités. En juin-juillet 2020, nous étions à Manga avec nos experts.On avait, en son temps fait la proposition de ne pas tenir des élections et d’ouvrir une transition. Parce que ces élections sur la base d’un code électoral modifié excluraient des gens du suffrage et nous risquions de nous retrouver avec des élections qui ne renforcent pas l’Etat, pire, qui mettraient le pouvoir en péril. On ne nous a pas écoutés. Quand la situation a commencé à s’envenimer, nous avons proposé des scenarios.

Beaucoup pourraient s’étonner de la rapidité avec laquelle nos propositions sont déjà publiées. Nous sommes aguerris et proactifs. En réalité, la situation actuelle est un scenario que nous avions déjà. Seulement, il n’incluait pas un coup d’Etat. Mieux c’était une transition qui devait être déclenchée par le président Kaboré lui-même en étant à l’intérieur. Tous ceux que nous avons pu approcher et conseillé dans ce sens n’ont pas voulu écouter. Parce que cela mettait peut-être en mal leurs privilèges de pouvoir. On n’a donc pas eu besoin d’attendre pour faire les propositions que vous voyez présentement.

Avez-vous déjà été contactés par le MPSR ?

Pour le moment, non. Nous n’avons pas essayé non plus de les contacter. Nous pensons que toutes les propositions doivent être montrées et versées dans l’e débat public. Le moment viendra ou le MPSR ouvrira un espace de débat. A ce moment, nous irons participer. Nous avons refusé beaucoup de choses avec l’initiative de l’Appel de Manéga. Par exemple à la création du ministère de la Réconciliation et la nomination Zéphirin Diabré (une des cent personnalités signataires de l’Appel de Manéga) à la tête de ce ministère, beaucoup ont cru qu’on allait aller y occuper des postes de conseillers, etc. Mais nous ne l’avons pas fait et ce ne sont pas les possibilités qui ont manqué. Je vous rappelle qu’il a été nommé un dimanche et le lundi nous avons été reçus par lui en audience.

Je ne vais pas revenir sur ce que nous nous sommes dit mais si nous voulions des postes, nous y serions allés. Mieux, au Conseil national de suivi et d’orientation de la réconciliation, on nous avait proposé un poste que nous avons décliné parce que nous voulions garder notre autonomie par rapport au processus de la réconciliation. Il est temps que les Burkinabè, pour une fois, respectent un peu l’engagement et le patriotisme des gens. Nous faisons ce qui peut servir le pays. Chacun peut en faire autant et nous gagnerons plus en termes de propositions et d’idées. Tout ce que nous pouvons dire, c’est que nous sommes sur le terrain et nous travaillons. Nous ne sommes pas apparus par opportunisme. Avec un peu d’honnêteté, on ne peut pas nous faire un quelconque procès en ce sens.

Nous invitons les uns et les autres, dans ce moment assez déterminant et décisif à regarder et à discuter plutôt les propositions que nous faisons. C’est ce qui nous fera mieux avancer et aider cette transition à réussir. Il y va de la survie de la nation.

Propos recueillis par Obissa Juste MIENLefaso.net

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